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Le geste lent… comme une caresse mes doigts font pénétrer doucement la couleur dans le papier. La poudre de pastel, tournoie en volute sous le mouvement, s’épaissit, s’éclaircit, se volatilise…
Une trame fragile, aux variations subtiles, comme un feuillage que le vent effleure, se forme par de petits mouvements qui se répètent sans jamais se ressembler.
La surface colorée devient un champ vivant et rythmé, bruissant d’une vie silencieuse. Montrer le sensible, sa moire, son chatoiement, son murmure, son frémissement…
La couleur pour elle même en tant qu’expérience sensible pure. Une expérience d’émotion brute, directe, sans intermédiaire figuratif.
Deux rectangles de couleurs dans un face à face muet et sensible évoquent le principe de dualité qui régit le monde de la manifestation. Couple de couleurs en harmonie, en opposition, en complémentarité.
Le couple de rectangle forme un carré, l’équilibre parfait du deux qui forme un tout unifié tout en gardant sa spécificité. Au centre un interstice, espace de rencontre possible, une ligne de tension où les deux couleurs s’approchent, se frôlent, sans jamais se toucher. Ne pas remplir le vide, l’espace qui peut exister entre deux perceptions, deux sensations. Une manière, dans cet espace interstitiel, de mettre en relief l’arrière-plan, de le donner à voir, à palper comme un appel vers l’inconnu, le grand large… une porte s’entrouvre sur l’espace sans figure.

Une expérience de simplicité qui demande de prendre le temps afin que puisse se déployer l’expérience de la couleur pure, de la couleur vibration, sans parole. Une proposition d’arrêt, de pause dans la frénésie ambiante de la surenchère.

Cette série (comme la plupart des séries) utilise des matériaux fragiles, délicats afin de ne pas trop affirmer et rester dans l’ordre du sensible. C’est un travail qui finalement revendique une forme de discrétion, de silence.
La peinture est une expérience en soi, elle n’a pas besoin de mots, elle ne devrait pas s’expliquer, elle devrait se vivre et se sentir dans une intériorité simple, non obnubilée par le besoin de comprendre et de savoir.

Notes d’atelier // octobre 2013

"Là, le temps ne peut servir de mesure, l’année ne compte pas, et dix ans ne sont rien ; être artiste veut dire : ne pas calculer ni compter ; mûrir comme l’arbre qui ne hâte pas sa sève et qui, tranquille, se tient dans les tempête de printemps sans redouter qu’après elle puisse ne pas venir l’été. Il vient de toute façon. Mais il vient seulement chez ceux qui patients, sont là comme si l’éternité s’étendait devant eux, insoucieusement calme et ouverte. Je l’apprends tous les jours, je l’apprends au prix de douleurs envers lesquelles j’ai de la gratitude : la patience est tout !"

"Lettres à un jeune poète" de Rainer Maria Rilke